Elle était assise à sa table de cuisine. La nappe était verte. Un vert forêt. Sur la table, dans une assiette creuse des concombres découpés en fines lamelles et des tomates cerises. Dans le four, la viande se dorait. Le crépitement du bouillon qui s'en échappait la berçait dans une descente vers les souvenirs de son enfance.
Elle aimait cette ambiance. Elle prit sa ceinture et l'attacha soigneusement autour de son biceps. Se tapotant la veine pour la faire gonfler, elle humait à fond l'odeur du repas; ce serait tellement meilleur comme ça! Dans la petite cuillère en argent recourbée, le mélange commençait à frémir. Elle y plaça une miniscule boulette de coton au travers de laquelle elle aspira la substance, avec une seringue neuve.
Ses lèvres frémissaient. Impatience. Elle attendait. Elle se leva. Il fallait éteindre le feu. La viande était prête. Et la jeune fille était à point.
Les coups qu'elle donnait incessamment contre la porte de son cachot avait gagné en intensité ; l'odeur du rôti devait être une vraie torture pour elle. Il ne devait plus tarder. Il fallait qu'elle prépare. Il n'aimait pas la voir dans cet état. Elle savait qu'il voulait sa femme sobre pour qu'elle lui serve correctement à dîner et qu'il puisse ensuite bien profiter de son dessert. Mais après tout, un shoot de plus ou de moins... En plus, elle n'allait pas pouvoir aider son mari avec leur prisonnière, si ses mains continuaient à trembler de cette manière. Il lui fallait des gestes précis et net, sinon il la battrait encore, elle le savait bien. Mais pas ce soir, les choses allaient changer à présent!
Elle entendait ses pas dans le couloir, ça y était, il allait bientôt entrer. D'un geste expert, fruit de longues années d'études, elle planta la seringue et la vida dans son système cardiovasculaire. Immédiatement, elle sentit ses sens s'éveiller, ses mains arrêter de trembler, son esprit s'affûter. Elle fit disparaître le mince instrument de plastique entre ses seins. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas mis la main dans cette région, de toute façon. Elle remit sa ceinture en place, et rajusta sa manche. Finalement, elle prit la pose de la parfaite ménagère, regardant amoureusement le rôti au four en attendant de pouvoir le servir à son Homme.
Elle entendit son pas assuré malgré la malformation qu'il avait au pied droit. Il ouvrit la porte de la maison et s'avança vers la cuisine. Il huma la viande en grognant. Il était beau et cruel. La porte de la cuisine s'ouvrit sur son torse poilu. Sa cravate pendait, et sa chemise était déboutonnée, signes de la fin d'une longue journée de travail. Viril, il s'empoigna l'entrejambe et renifla un grand coup, déclarant "j'ai faim!" à sa bien-aimée.
Les yeux grands ouverts en une piètre imitation de l'amour éperdu qu'elle lui vouait autrefois, elle lui approcha sa chaise, et plaça une bière décapsulée sur le chemin de sa main ouverte. Ce serait bientot l'heure de sortir la petite du cachot. Le mari engloutit bruyamment la moitié de sa bière en se grattant l'entre-jambe. Il exposa ensuite ses projets à sa femme , sous la forme d'un regard prolongé sur la porte blindée qui résonnait périodiquement. Il commença, avec des gestes lents, à défaire sa ceinture, et elle savait, elle savait que c'était le moment d'agir; elle n'aurait pas d'autre chance! D'un geste qu'elle avait répété des centaines de fois en imagination, elle sortit la fourchette à rôti et la plongea à l'endroit où une érection naissante déformait le pantalon de son mari.
Sur le moment, il n'eût aucune réaction. Puis, lentement, sa mâchoire s'affaissa et ses yeux devinrent aussi ronds que deux euros. La porte du cachot ne tonnait plus. Il pencha son regard sur la longue fourchette qui saillait de son entrejambe telle une magnifique érection d'acier inoxydable. Il s'affaissa de sa chaise, le souffle coupé, au moment même où la première goutte de sang venait éclabousser le parquet.
Sylvie ne pouvait pas admirer le spectacle. La première partie de son travail était finie, mais le plus dur était à faire. Elle saisit le couteau à filets fraichement aiguisé et se dirigea vers la porte. Elle entendait les soupirs et les larmes de joie de la prisonnière persuadée que son calvaire touchait à sa fin. Sylvie s'affaira à taillader minutieusement chaques extrémité de son mari. Le parquet était couvert d'une marre de sang, à présent. Le cachot était complètement silencieux, trahissant la terreur de la prisonnière dépassée par l'horreur de ce qui avait lieu devant ses yeux. Puis, Sylvie se leva et se dirigea vers l'armoire où était rangés les gros ustensiles de cuisine, et en revint avec une énorme marmite, où elle fourra les membres épars de l'homme. Jambes écartées, chaudron à bout de bras, elle regarda ensuite la cellule en se demandant comme une si petite prisonnière réussirait à avaler autant de viande en une seule séance...
Elle entreprit d'allumer le feu dans l'âtre qui n'avait pas servi depuis des années. Une fois satisfaite de la flamme, elle accrocha le chauderon à la lourde chaine prévue à cet effet. Elle assaisonna la préparation avec les gestes surs d'une ménagère expérimentée. Du cachot s'élevait désormais un gémissement continu, presque inaudible. Elle plongea lentement morceau après morceau dans le jus bouillonnant, et laissa mijoter ce plat, puis frappa de sa grosse cuiller de bois sur la porte du cachot:
-Ta gueule, grognasse!
Le gémissement cessa, les yeux verts disparurent du judas, et un frottement sourd se fit entendre lorsque la prisonnière s'enfuit au coin le plus éloigné de la petite cellule. L'odeur du nouveau repas avait désormais remplacé celle, appétissante, du rôti. C'était une odeur âcre, mêlée de bouillon, de sueur et d'excréments. Sylvie ne semblait pas y prendre garde, lorsqu'elle tournait sa cuiller en appréciant la couleur de la sauce de son oeil expert. Elle touillait froidement le jus épais et bouillonnant tandis que le sang de feu son mari séchait déjà sur ses avant-bras. Elle avait l'oeil vide, les gestes machinaux d'un mort-vivant. La dernière parcelle d'humanité s'était brisée en elle.
-Alors écoute-moi bien salope, voilà ce que tu vas faire...
Et pendant qu'elle sortait sa grande planche à découper d'une armoire et la déposait sur la table en désordre, elle expliqua son plan macabre à la prisonnière dont les yeux s'écarquillèrent de plus en plus dans la pénombre. Elle tenta de résister lorsque Sylvie entra, mais ne put rien faire, affaiblie par des semaines de cachot. Lorsqu'elle fut fermement menotée à la chaise, elle-même vissée au sol, son supplice commeça. Sylvie lui avait raconté en détail ce qui l'attendait, sachant que ça ne ferait que renforcer sa terreur.